L'étude du cabinet Booz Hamilton menée auprès des 1 000 entreprises au monde qui investissent le plus en R/D remet en cause le bien fondé de nombreux a priori et certitudes que nous avons, comme cette croyance en une Recherche et Développement qui serait l'élément principal pour générer la croissance et la rentabilité au sein de nos entreprises.
En résumé ci-dessous les principaux enseignements de l'étude:
LE BUDGET DE R/D SEUL NE PERMET PAS d'assurer seul la rentabilité et la compétitivité des entreprises.
En effet il n'existe pas de relation directe entre le montant des dépenses allouées aux activités de recherche et la performance des entreprises.
Sur les 1000 entreprises étudiées (qui représentent 85% des dépenses R&D mondiales) seules 94 ont su maximiser les retours sur leurs investissements R&D, et ce de manière constante au cours des cinq dernières années.
Ainsi moins de 10% des entreprises qui investissent le plus le font de manière efficace en permettant entre autre :
- la croissance des ventes,
- une augmentation de la marge brute,
- un retour sur investissement pour les actionnaires appréciable,
- une forte capitalisation boursière.
Ces 94 sociétés qui optimisent les retours sur leurs investissements R&D se distinguent non pas par le montant des budgets qu'elles investissent mais par la qualité de leurs processus d'innovation qui comprend une phase :
- de génération d'idées,
- de sélection de ces idées,
- de développement technique,
- de commercialisation de l'innovation.
PAR CONTRE LE BUDGET DE R/D PERMET:
- D'abaisser les coûts de production unitaire des produits
70 à 80% du prix de revient d'un produit dépend des décisions prises en amont de sa production entre autre lors de sa conception (définition des fonctionnalités, contraintes techniques à respecter, niveau de standardisation des composants, choix des processus de fabrication).
L'étude montre que d'une manière générale les services R&D ont rempli correctement au moins une de leurs missions premières : concevoir des produits et services avec un faible coût de production et/ou concevoir des produits ou services suffisamment différentiants pour légitimer une marge confortable.
Malheureusement, la plupart des sociétés ne transforment pas ces marges brutes élevées en profit. Cette marge est érodée significativement par les frais généraux ou les coûts de marketing et de vente.
Le succès de l'entreprise requiert en effet un fonctionnement transversal des processus, c'est-à -dire une approche qui intègre efficacement la R&D, le marketing, les ventes, les opérations et le contrôle des coûts.
- D'augmenter le nombre de brevet déposés.
D'ailleurs les autorités publiques utilisent généralement le nombre de brevets déposés comme l'indicateur clé sur la santé de l'innovation dans leur pays. Ce critère ne semble pas opportun dans la mesure où le nombre de brevets déposés et apportant de réelles innovations reste faible.
Les budgets sont souvent gaspillés pour réinventer ce qui a déjà été développé par ailleurs. Les idées innovantes sont ralenties par des processus trop lents. Les innovations les plus prometteuses échouent car les besoins des consommateurs ont été mal compris, ou le plan d'investissement associé mal défini.
L'augmentation des budgets R&D permet d'accroître le nombre de brevets qu'une entreprise contrôle, mais il n'existe pas de relation statistique entre le nombre ou la qualité de ces brevets et la performance financière.
QUELLES SONT LES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE D'UNE POLITIQUE DE R/D PERFORMANTE?
A partir des 94 entreprises qui ont concilié R/D et efficacité économique il est possible d'en tirer quelques enseignements.
Le processus d'innovation doit être considéré comme une chaîne de valeur composée de quatre maillons interdépendants :
- la génération d'idées (la recherche et la conception d'idées),
Google par exemple, excelle dans sa capacité à générer de nouvelles idées grâce à sa règle du « 70-20-10 » : chaque employé, et tout particulièrement les ingénieurs, est incité à consacrer 70% de son temps à son métier de base, 20% à des activités apparentées et 10% à des sujets de son choix. Ce modèle permet de dégager suffisamment de temps aux employés afin de réfléchir à de nouveaux concepts
C'est ainsi que Froogle (le moteur de recherche de shopping), Orkut (le réseau social) ou encore Google Finance, ont ainsi vu le jour.
- la sélection de projets (décisions d'investissement),
La sélection des idées se fonde sur une connaissance précise des attentes de la clientèle comme Apple par exemple.
La stratégie d'innovation de Black & Decker est également déterminée en fonction de l'avis des consommateurs : Michael Mangan, son Directeur Financier, explique ainsi « Nous avons passé beaucoup de temps à analyser et à comprendre où nos clients travaillent, comment ils utilisent leur temps libre et comment ils achètent nos produits. Cette compréhension des besoins de nos clients et cette relation que nous établissons avec eux nous permettent d'accroître réellement l'efficacité de notre processus d'introduction de nouveaux produits sur le marché ».
- le développement des produits
Ces 94 « Champions de l'Innovation », sont également avantagés par des structures de management légères et agiles. La plupart des décisions, y compris celles dont les implications sont lourdes en termes d'investissements, sont prises rapidement par un nombre restreint de personnes.
De plus l'implication de toutes les fonctions et activités de gestion de l'entreprise (finance, production, commercialisation) permet d'économiser du temps et surtout de mobiliser toutes les énergies humaines.
La connaissance constante des attentes des clients et utilisateurs permet d'adapter rapidement les outils de commercialisation.
Pour résumer cette étude on peut reprendre la citation du directeur général de Sun Microsystem qui écrivait récemment dans le Financial Times:
*L'économie mondiale accorde plus d'importance aux économies de temps, de périmètre ou de compétence qu'aux simples économies d'échelle.
Les processus d'innovation doivent être portés par l'ensemble des fonctions des entreprises. Ces dernières doivent collaborer de manière moins cloisonnée, comme c'est malheureusement souvent le cas dans les grandes entreprises. Cela signifie aussi que l'entreprise doit aller chercher ailleurs, c'est-à -dire à l'extérieur de sa propre organisation, les idées nouvelles et innovantes, que ce soit auprès de ses partenaires, de ses fournisseurs ou de ses clients.
Pour lire l'étude en direct c'est par ici