Par Jean Philippe Martinez, dimanche 11 fĂ©vrier 2007 à 20:01 | Point de vue | #140 | rss
Un article des Echos de ce jour (ici) aborde la question centrale du financement de la création d'entreprises. Il en ressort une présentation plutôt optimiste de la situation du financement en insistant sur:
- l'augmentation des montants investis dans le capital risque,
- les effets positifs de la politique fiscale menée,
- le rĂ´le des FCPI
- l'intérêt de l'organisme de financement France investissement.
Lorsque l'on aborde la situation du financement de la création d'entreprise on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein.
Reste que dans la chaîne du financement de la création d'entreprises le parent pauvre est sans conteste le financement des dépenses de faisabilité technologique et commerciale. Cette étape est cruciale puisque l'entrepreneur cherche des fonds pour finaliser son produit, pour concevoir le prototype voire déposer un brevet.... et ce 1 à 2 ans avant de lancer véritablement la phase de commercialisation et de production.
Cette phase d'amorçage très risquée est peu appréciée par les sociétés de capital investissement qui préfèrent financer des entreprises "matures" (capital développement) ou des opérations de transmission (capital transmission).
Ce faisant combien y -a - t 'il véritablement de projets financés en phase d'amorçage ? 20,30,40,... moins de 60 probablement. Rapportée au nombre d'entrepreneurs en quête de financement, 500, 800 probablement plus de 1 000, la probabilité de réussite est faible.
Concernant la phase de lancement commercial et de production (phase de capital risque), elle aussi est délaissée. Car derrière les chiffres se cache une autre réalité:
- beaucoup de financements dans cette phase ne concernent pas de nouvelles entreprises mais des re-financements. C'est-à -dire des sociétés qui ont déjà été financées et qui bénéficient d'un second tour de table.
- la phase de capital risque à la française est particulière puisqu'elle ne correspond que peu avec la définition qui en est donnée généralement.
En effet la plupart des sociétés de capital risque, contrairement à ce que l'on pourrait espérer, demande à ce que l'entreprise dispose déjà d'un volant de chiffre d'affaires, avec une réponse classique : « nous ne sommes pas là pour permettre à l'entreprise d'évangéliser le marché, revenez nous voir lorsque vous aurez fait la preuve qu'il existe une clientèle ».
- les FCPI sont également dans cette démarche avec une difficulté supplémentaire: en dessous d'un besoin financier inférieur à 500 000 euros, pour la plupart, vous ne les intéressez pas. Ce qui, vous en conviendrez, limite fortement le nombre d'entreprises potentiellement éligibles.
En ce qui concerne la politique fiscale celle-ci est peu incitative car la plupart des mesures sont plafonnées.
- Le dispositif Madelin est loin d'avoir révolutionné le financement de la création d'entreprises.
Sinon comment expliquer que la France dispose de 10 fois moins de business angels que la Grande Bretagne, comment expliquer qu'un pays comme le Japon où il n'existait quasiment pas de business angels en 1 an a réussi à en comptabiliser plus de 3000 et ce n'est qu'un début.
Mais au Japon un particulier qui investit dans une entreprise peut déduire la moitié du montant investi de ses impôts qu'il devra payer au titre de ses plus-values. En France un couple marié pourra déduire au maximum 40 000 euros.
En ce qui concerne l'opportunité de création de la structure France Investissement, il est intéressant de se rapporter à une étude récente de la Caisse des dépôt et Consignation sur le comportement des sociétés de capital investissement.
Plusieurs indications:
- les sociétés de capital investissement n'ont pas de difficultés pour mobiliser des fonds auprès de leurs souscripteurs. Ceci confirme l'interrogation que l'on peut avoir sur l'intérêt de créer la structure de financement "France Investissement" qui va probablement apporter 2 milliard d'euros à des organismes qui en ont peu besoin.
- les sorties (revente des actions achetées lors de l'entrée au capital) sont réalisées dans de bonnes conditions: les plus values constatées au premier semestre 2006 sont supérieures de 25% à celles affichées sur la même période en 2005.
- l'étude constate également qu'il existe un goulot d'étranglement entre les flux d'entrées (les sommes collectées) et les flux de sorties (les investissements).
Ce faisant le financement des entreprises en phase de création ou de développement pour les PME n'est pas limité par un manque d'argent. Ce n'est pas un problème d'offre de financement mais plutôt un problème de distribution, d'allocation des fonds.
Ainsi créer une nouvelle structure de financement peut être justifiée si elle comble un manque dans la chaîne du financement de la création d'entreprises. C'est à dire le financement de:
- la phase d'amorçage (validation de la technologie, dépôt de brevet, prototype),
- la phase de capital risque (lancement industriel et commercial du produit)
Or rien n'indique aujourd'hui que France Investissement va investir en priorité sur ces deux axes.
Derrière les mots il est urgent d'aller voir ce qui s'y cache car ne nous trompons pas lorsque l'on parle de capital risque en France il s'agit plutôt, sur le terrain, de capital développement
Aucun commentaire pour le moment.
Aucun trackback.
Les trackbacks pour ce billet sont fermés.
Les commentaires pour ce billet sont fermés.